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BOUREGREG, fleuve chargé d’histoire

Le Bouregreg en 2004, c’était avant l’aménagement de la Vallée du Bouregreg…

LE BOUREGREG AVANT SA TRANSFORMATION

C‘est à l’oued Bouregreg que Rabat et Salé doivent leur naissance, il y a plus de vingt siècles. Jeune et impétueux, vif et sain, le Bouregreg était devenu sale et lent. La faute à la pollution d’une urbanisation rampante, et à la création du barrage « Sidi Mohamed Ben Abdellah » inauguré en 1974, juste au dessus de Rabat, qui a bien tempéré l’ardeur de ses eaux souvent tumultueuses.

Bouregreg n’impressionne plus ; même s’il n’a jamais eu la majesté de l’Oum Er Rbia ou l’impétuosité du Sebou, ses crues soudaines relèvent désormais du passé. Quant à sa capacité à nourrir la population, le barrage a contribué, avec la pollution, à en réduire sa faune. Pourtant, le Bouregreg était convoité autrefois pour l’abondance de ses poissons, et prisé notamment pour l’alose, poisson d’eau de mer qui remontait le fleuve sur plusieurs kilomètres pour pondre ses oeufs en amont.

Les Rbatis ne connaissent guère désormais plus de lui que ses cinq derniers kilomètres, et beaucoup ignorent encore qu’il prend sa source dans le Moyen Atlas. Pour les Marocains, le Bouregreg c’était surtout son estuaire et la « barre », et au-delà, ils n’imaginaient souvent pas ce qu’était l’oued.

Avant la construction des jetées en 1920, le franchissement de cette « barre » était redoutée de tous les marins, qui pour la plupart ne s’y risquaient pas. Un banc de sable obstruait en permanence l’embouchure du fleuve, la houle du large amplifiée par le vent d’ouest venait se briser sur cette « barre ».

Le chenal navigable était d’une profondeur variable suivant les conditions climatiques, de 40 centimètres à marée basse, à 3 mètres maximum à marée haute, l’accès des gros navires était donc interdit et pour les autres, un pilote connaissant les lieux était indispensable. Souvent problème, cette « barre » a pourtant été pour les Rbatis et Slaouis un avantage indéniable au cours des siècles car elle les mettait à l’abri de bien de vaisseaux prédateurs (on le verra un peu plus loin ci-dessous).

Imaginez 15 voiliers et galères dans ce port. Cela a pourtant existé au XVIIIème siècle. Merci au DHOW, le bateau-restaurant à quai, de rappeler cet épisode fabuleux de l’histoire de Rabat et Salé.

Sans doute moins glorieux et pimpant que le Dhow, pourtant la navigation sur Bouregreg doit beaucoup aux bateaux dragueurs, qui font un travail à renouveler sans cesse pour une meilleure navigation.

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Les barcassiers sont avec les pêcheurs les figures immuables du Bouregreg qui traversent les siècles et perpétuent sans discontinuer leurs activités traditionnelles…

L’aigrette garzette est devenue espèce courante sur les bords du Bouregreg, signe d’une bonne santé retrouvée du fleuve, pour le plus grand bonheur de certains… Baignade et pêche interdites mais pas la chasse…

L’HISTOIRE DU BOUREGREG et de son activité ancestrale

L‘oued Bouregreg s’appelait dans l’antiquité, Oued Sala (la rivière salée), ce n’est qu’au XIIIème siècle qu’il devient Bouregreg, sans doute une étymologie berbère, « regrag » signifiant « gravier » en berbère, mais les historiens n’en sont pas trop sûrs ! C’est au bord du Bouregreg que la famille Beni Achara fonda la ville de Salé au XIème siècle et fut même la capitale de l’Empire de l’Emir Tamin des Ifran.

Trait d’union, cordon ombilical ou frontière, l’attribut accolé au Bouregreg pour qualifier la liaison parfois tumultueuse entre Rabat et Salé est toujours imagé. Soeurs rivales, parfois ennemies mais toujours complices, le Bouregreg a constamment posé des problèmes pour sa traversée, car malgré les conflits incessants entre les cités, il y a toujours eu un besoin d’échange des populations qui ne se brassaient pas mais commerçaient en permanence. Depuis l’origine, on traverse en barques. Plusieurs ponts auraient existé, du temps des Almohades, pendant la lutte entre les Andalous de Salé le Neuf et les Slaouis de Salé le Vieux au XVIIème siècle, mais tous ont été détruits par les flots, les guerres ou le raz de marée de 1755.

Le 1er pont routier date de 1919, mais largement en amont de l’estuaire, il est peu pratique pour les populations. Il y eut ensuite le bac à vapeur en 1913 et une passerelle métallique emportée par une crue. Le pont Moulay Hassan qui partait des pieds de la Tour Hassan pour desservir les remparts de Salé datait de 1957. C’est dire qu’on a pris son temps pour réaliser ce pont, les Rbatis soupçonnaient même la confrérie des barcassiers, toute puissante alors puisqu’elle détenait un monopole, d’user de son pouvoir pour entraver sa réalisation. Depuis, on a mis en place le pont tant attendu, le pont Hassan II, qui avec ses trois tabliers a enfin permis un flux de circulation ne vous condamnant pas à de longues minutes d’attente dans les fumées des gaz d’échappement.

Rabat et Salé doivent tout au Bouregreg, grâce à lui Rabat disposait du plus grand port fluvial du Maroc au début du XXème siècle, et ce port fut même, du XV au XVIIIème siècle, époque pendant laquelle les autres ports étaient aux mains des étrangers, Espagnols, Portugais ou Anglais, le seul port marocain qui pouvait ravitailler le pays. C’est par ces villes et la république des Pirates, et par l’intermédiaire de leurs corsaires, que se firent les transactions pour l’ensemble du Maroc et que se négocièrent les traités entre les états européens et le royaume chérifien. C’est par le commerce et la guerre de course que l’estuaire du Bouregreg devint pendant cette longue période, le grand port du Nord-Marocain qui exportait des cuirs, des laines, des plumes d’autruches, du cuivre, des fruits et recevait pour l’essentiel des draps, des velours, des cotons et des toiles.

Après une première période de piraterie qui consistait essentiellement au pillage par la population des navires qui s’échouaient sur les côtes piégeuses, les pirates de la République du Bouregreg s’engagèrent pour le compte du Sultan, la piraterie devint « la course » et les pirates des corsaires. Le port de Rabat aurait alors compter jusqu’à soixante vaisseaux en son sein. La « course » prit fin au début du XIXème siècle sous le règne de Moulay Slimane. Pourquoi cet épisode de l’histoire de Rabat n’est jamais plus évoquée par les Rbatis et Slaouis, cela reste encore un mystère ?

En dehors de la course, le déclin du port de Rabat est dû à plusieurs facteurs : d’abord le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 qui a sans doute renforcé la « barre » océanique à l’embouchure de l’oued, rendant encore plus difficile et aléatoire son accès, ensuite l’envasement permanent qui s’est aggravé par défaut d’entretien mais aussi par la construction du « nouveau » port en 1913, et enfin la concurrence du port de Casablanca nettement plus pratique pour les navires de gros tonnage.

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Remparts de Salé occultés : mémoire du lieu effacée… La barre d’immeubles de Bab El Bahr a-t-elle gommé le trait d’union entre Rabat et Salé ?

Il y avait longtemps que le port de Rabat n’avait connu un tel mouvement : le Almabahia en manoeuvre dans le nouveau port de Rabat.

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Le grand théâtre de Rabat, plus grand théâtre du monde arabe et d’Afrique, conçu originellement par l’architecte irakienne Zaha Hadid, le pont Hassan II oeuvre de Marc Mimram et le réseau de tramway sont les principales réalisations du projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg.

Le BOUREGREG, l’aménagement

Depuis la suppression définitive de ses installations portuaires, le Bouregreg s’était lentement assoupi au rythme de ses eaux calmes, jusqu’à ce que l’annonce de sa transformation radicale le réveille : seize milliards de dirhams de travaux en plusieurs tranches étaient investis pour aménager, en cinq ans, la vallée du Bouregreg (1,5 milliards d’euros).

Ce projet, tout simplement pharaonique, était en préparation depuis plus de vingt ans pour faire face au sous-développement de la capitale. Il s’agissait de hisser Rabat au rang des villes internationales, et ce projet d’envergure nationale a été confié, non pas aux municipalités de Rabat et de Salé, mais à un établissement public créé spécialement à cet effet, la SABR, filiale de la C.D.G., avec des capitaux étrangers notamment des Emirats et de Dubaï pour ce qui touche au tourisme et aux loisirs. Fonctionnant comme une société privée, elle a été doté des pouvoirs exorbitants de la puissance publique, avec notamment une arme redoutable, celle de l’expropriation, dont elle a fait souvent usage.

La Wilaya, qui détient un rôle esssentiel en matière d’urbanisme,en coordonnant notamment les acteurs publics sur le territoire, et son bras armé, l’Agence urbaine, son principal outil opérationnel, se sont vues privées de leurs compétences sur ce territoire. Les communautés urbaines, quant à elles, ont été laissées de côté pour ne pas ralentir cet immense projet, et seule l’association Bouregreg a été chargée de jouer le rôle de courroie de transmission auprès des populations.

Des voyageurs européens du XVIIème siécle avaient surnommé Rabat, la Venise Rouge.

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Le ramendage des filets peut s’effectuer désormais sur les quais à Rabat.

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Sur la rive droite du Bouregreg, à Salé, on peut encore entretenir son embarcation sur le sable…

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Pour les jeunes Rbatis et Slaouis, le Bouregreg est indéfectible : la baignade dans le Bouregreg restera leur distraction préfèrée.

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Dériveur, jet-skis, barques de passeur, bateaux de pêche… la navigation disparate provoque souvent des heurts toujours vite dissipés.

Arrivée des pêcheurs au nouveau port de Salé. Le nouveau port de pêche de Salé-Rabat se trouve désormais dès l’entrée du chenal après la barre. L’accès est bien plus facile surtout en cas de mauvais temps.

L’arrivée des pêcheurs sur les rives du Bouregreg à Salé est toujours un spectacle plein de couleurs…

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La pêche à la ligne sur les rives du Bouregreg est redevenue tendance, depuis que les eaux plus saines ont retrouvé une faune plus abondante. 

BOUREGREG, l’immuable lien entre Rabat et Salé

Le Bouregreg n’avait pratiquement pas changé d’aspect depuis plus de trois siècles. Si la réalisation de la marina Bouregreg n’a pas vraiment modifié le site, il n’en a pourtant pas été de même de certains programmes immobiliers et notamment de celui dénommé Bab Al Bahr. Cette “barre” d’immeubles qui longe le front d’oued côté Salé a complétement obstrué la vue des remparts de Salé depuis la rive gauche de Rabat. On ne peut lui reprocher son caractère architectural mais on peut déplorer son implantation à cet endroit.

Toucher au Bouregreg, c’était en effet prendre le risque de modifier plus de 20 siècles d’histoire, puisque l’installation de la colonie romaine à Sala Colonia, et avant celle des Phéniciens sur les rives du Bouregreg, est à l’origine de la création de Rabat et Salé. Aujourd’hui encore, plus de deux cents pêcheurs vivent actuellement du produit de leur pêche à Rabat et Salé, une centaine de barcassiers (dont une trentaine de permanents) proposent quotidiennement leurs services et une soixantaine de poissonniers s’approvisionnent auprès des pêcheurs locaux.

Les pêcheurs sont à présent, et pour un grand nombre, installés dans un port tout neuf, à l’extrémité de la digue nord du Bouregreg. Tout n’est pas parfait, car le port est étroit, y compris pour les barques, le débarcadère en plan incliné est dangereux et pas pratique et les digues de protection ne sont pas assez hautes. On continue donc, pour certains, à débarquer sur les pontons de débarquement aussi bien côté Rabat que Salé. L‘arrivée des pêcheurs sur la plage de Salé, spectacle pittoresque, vivant et coloré dès les premières heures de la matinée, est désormais du passé, mais le spectacle matinal des bateaux au retour de la pêche est toujours aussi surprenant !

La traversée du Bouregreg par barcasse entre Rabat et Salé avait été temporairement supprimée en 2006, pour faciliter l’aménagement des berges du Bouregreg, côté Rabat, ainsi que l’enlèvement de la vase et la construction du port de plaisance, côté Salé. Elle a été rétablie depuis la fin des travaux, et si elle elle demeure toujours aussi pittoresque, elle est désormais fortement concurrencée par le tramway et le pont routier Hassan II. Seuls quelques inconditionnels et nostalgiques du passé effectuent cette fameuse traversée pour se rendre à Salé ou faire les souks de sa médina ou pour se rendre au port, assister à l’arrivée des pêcheurs et être parmi les premiers à emporter la pêche du matin. Car l’arrivée des pêcheurs est toujours un événement, même si le port « étriqué » de Salé n’a plus le charme des rives du Bouregreg.

Alors si vous êtes sur les quais de Rabat, osez franchir le Bouregreg en barque, et ne partez pas sans accorder une visite à Salé, à sa superbe médina, à ses remparts millénaires qui ne sont qu’à trois cents mètres de la rive du Bouregreg.

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Entre le bassin du barrage Sidi Mohammed Ben Abdallah et l’embouchure, le Bouregreg serpente dans de larges méandres à travers les marais. Dans la plaine de l’Oulja, l’urbanisation générée par l’aménagement de la vallée a provoqué le départ des activités traditionnelles artisanales prétendument polluantes et la disparition de terrains agricoles considérés comme peu rentables. La décharge du plateau d’Akreuch en surplomb de la vallée a été supprimée, ce qui a grandement contribué à améliorer la qualité des eaux du Bouregreg en même temps que la captation des rejets sauvages d’eaux usées  vers le réseau d’assainissement existant.

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Le nouveau port de pêche de Salé, s’il n’est pas l’ouvrage le plus spectaculaire de l’aménagement de la vallée du Bouregreg est une réalisation attendue par les professionnels, même s’il est sans doute sous-dimensionné. Ce port, réalisé en partenariat avec l’Office National de la Pêche, comprend une nouvelle plateforme destinée à recevoir  équipements et matériels de travail (moteurs, filets, etc.) et 58 boxes individuels pour stocker l’attirail des pêcheurs (source : HAMIDI Leïla, étude “Le projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg, un projet social ?)

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